11/08

4200 kilomètres et 28 jours d’autostop pour arriver là, en Finlande. Terre de la fin, fin de la route. Je débarque à Helsinki le 2 août. Marjo, une amie d’ami m’attend sur le quai. Elle a offert de m’héberger les deux premiers jours. Dans ma poche quelques contacts, mais aucune certitude. Tous les mails adressés aux musiciens que l’on m’avait recommandés sont restés lettres mortes. Je commence presque à envisager une pause en août. De toute façon êtes-vous là chers amis, lecteurs, auditeurs ou êtes-vous plutôt affairés à éventailler vos pieds au bord d’une piscine ? Parfois je me demande à quoi bon tout ça, ce stress, ces jours passés à créer en temps et en heure (11h11 quand je suis ponctuelle). Si je filmais un lac, le son des canards et des grenouilles, ça ferait l’affaire peut-être ?

J’ai exactement trois jours pour trouver quelqu’un, écrire la chanson, l’enregistrer et tourner le clip. « Ca tombe bien, cet après-midi, il y a un festival de rue à Kallio, tu rencontreras sûrement un artiste pour ton projet». Marjo avait raison, des artistes, il y en a plein. Mais entre les métalleux hardcore, les DJ passeurs de disques et les guitaristes folko-dépressifs, je sens que la mission va s’avérer plus compliquée que prévu. Les concerts s’arrêtent à 22 heures. Il est 21h45, et toujours rien. La menace du chant des grenouilles se rapproche. Soudain, Veikka s’installe dans l’herbe à côté de moi. Jeune homme blond-blé, guitare sur son dos. Paraît qu’il a joué plus tôt dans l’après-midi. J’engage la conversation. Avec enthousiasme d’abord, puis timidement, absence totale de réaction oblige. Je lui parle de 33’Tour avec la sévère impression de l’ennuyer. Veikka m’interrompt et, toujours sans sourire, me lance : « Donc, ça te dirait que je t’écrive une chanson en finnois ? ». Un peu que ça me dirait. Enfin… Oui, peut-être. Tu joues quoi déjà ? T’es libre demain ? Un check dans la main et la promesse est faite. Demain, chez lui. On essaiera.

Je me pointe un peu nerveuse à l’adresse griffonnée sur mon carnet. Les guitares et le glockenspiel de Veikka nous attendent sur le tapis, entre quelques légumes apéritifs et deux verres de Calvados. Il fallait au moins ces quarante degrés là pour que je me lance. Je propose de chanter dans sa langue. Des mots écrits en direct. Tout droit sortis de notre discussion sur l’Ailleurs. Lui, rêve de partir mais reste. Moi qui pars, je rêve de rester. Poser mon sac à dos et dire au-revoir un peu moins souvent.

Veikka me parle de son pays, si tranquille, si égalitaire que l’on n’y est ni pauvre ni riche. On est tout court. Et parfois, c’est un peu juste. Il se prend à espérer des chaos, des colères. Pas des guerres, mais presque. Tandis qu’après ces kilomètres de route je rêve d’un siège confortable. – Ça endort le confort, c’est une prison douce. J’y suis tellement habitué que j’ai peur de ne plus savoir me débrouiller sans lui. – C’est vrai. Mais je pourrais juste faire une sieste et puis hop, repartir?

Veikka écrit vite comme je parle. Il lit, m’épelle. Je répète, il rit. Je dingue-dongue sur son xylophone. Il fredonne. J’harmonise. Il gratte son papier, sa guitare. Paikallaan, ça veut dire rester immobile. Elle s’appellera comme ça notre chanson. Moi sur le retour, lui sur le départ, on se retrouve en plein dans le mille, au milieu. Pendant des heures on ne bouge pas. On enregistre, comme on peut. J’enverrai les prises plus tard à mes fées du son (Juxe, tu en as des tours dans ta magic box). Sur les images, Veikka est celui qui reste. Il est ancré. Je prends le large. Vers l’île où notre amie Tanja nous invite. Sauna, mer, moutons et poissons fumés, la Finlande que j’imaginais. On joue dans des cabanes perchées, des champs, des lacs ourlés de roseaux où les oiseaux jouent à cache-cache. Mon amie Aino chante et danse avec moi sous la pluie. Tournage Tout Terrain.

À l’heure où j’écris ces lignes, je termine le montage depuis une tente plantée en pleine forêt. La batterie tient étonnamment bien. Comme les miennes, elle est rechargée à bloc. Même si j’ai bien failli croire tout ce que l’on m’avait dit sur la froideur nordique, je vous l’assure aujourd’hui : les Finlandais sourient. Beaucoup. Et ouvrent grand la porte pour peu que l’on ose y frapper assez fort.

Pas de mois d’août qui tienne. Laissons les grenouilles aux CD Nature & Découvertes. Comment dit-on 11 en Finnois ?

 

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